2017/09/29

Ha Shafan ha katan




Qu’est-ce qui rend heureux ? La vie, se sentir vivant, avoir en soi le principe de vie.

Les meilleurs autant que les plus vils des hommes ont en eux-mêmes la source du bonheur, quelles que soient leurs actions, des plus sublimes aux plus atroces.

Tant qu’on est vivant, on est heureux de vivre, quoiqu’on fasse.

Qu’importe d’être un esclave, et encore moins un esclave volontaire si l’on peut accumuler jour après jour le bonheur de vivre ?

Au contraire même, délivré de la tâche de penser, d’être libre de ses actions, de travailler à la grande cause humaine, heureux sont les pauvres d’esprit ainsi que ceux qui ont renoncé à l’esprit et qui se contentent du bonheur d’être, comme un légume, un chien ou un cochon.

Peu importe les coups qu’il reçoit, un chien bien élevé se doit d'être heureux et il le demandera jusqu’à la mort. L’humanité n’est pas fondamentalement différente du chien. Petits plaisirs durent toute la vie … Qu’il est bon d’offrir un cadeau à une idole de fer ou de chair, qu’il est bon de sacrifier à la moindre passion, de se restreindre à la routine, de lécher la même crème dans le même bol de la naissance à la mort quoiqu’il arrive alentour.

Satanés humains qui prêchent les grandeurs pour se contenter de miettes abjectes. Ouais, tous tombés dans le chaudron de l'idolâtrie dès la naissance, hein !



On n'enterre que les morts, non ??



2017/09/11

Irma







« Faisons aujourd'hui, si nous voulons, les fiers, les rois de la création; mais n'oublions pas notre première éducation sous la discipline de la nature. Les plantes, les animaux, voilà nos premiers précepteurs. 

Tous ces êtres que nous dirigeons, ils nous conduisaient alors, mieux que nous n'aurions fait nous-mêmes. Ils guidaient notre jeune raison par un instinct plus sûr; ils nous conseillaient, ces petits, que nous méprisons maintenant. Nous profitions à  contempler ces irréprochables enfants de Dieu: calmes et purs, ils avaient l'air dans leur silencieuse existence de garder les secrets d'en haut. 

L'arbre qui a vu tous les temps, l'oiseau qui parcourt tous les lieux, n'ont-ils donc rien à nous apprendre ? L'aigle ne lit-il pas dans le soleil et le hibou dans les ténèbres ? Ces grands boeufs eux- mêmes, sous le chêne sombre, n'est-il aucune pensée dans leurs longues rêveries ? »


Jules Michelet, Origines du droit français



— Et puis, mademoiselle, n'avons-nous pas pour nous occuper, quand nous sommes en sentinelle, le spectacle toujours varié et toujours nouveau de la nature ? Je n'ai reçu qu'un commencement d'instruction, et peut-être suis-je bien hardi de penser de semblables choses; mais, à mon avis, l'homme n'est pas au monde pour vivre constamment dans des maisons où il manque d'air et de lumière, où il voit seulement des objets crées par lui, quand il n'a qu'à sortir pour se trouver en présence de la création de Dieu. Les animaux ne sauraient apprécier ce qu'il y a de grand et de beau dans l'univers ; mais l'homme le peut, et certainement c'est son devoir de le faire.

Je trouve dans l'accomplissement de ce devoir des jouissances dont je ne me lasse jamais, car elles sont constamment avivées par des merveilles inattendues. Ainsi, par exemple, mademoiselle, depuis plus de trente ans, il ne s'est pas passé de jour que je n'aie vu le soleil se lever ou se coucher, soit dans nos climats tempérés, soit sous le ciel brûlant des tropiques, soit sous le ciel glacé du pôle. 

Eh bien ! Je n'ai jamais vu le soleil se coucher comme il est maintenant, je ne l'ai jamais vu se lever comme je le verrai demain matin; à chaque instant ce sont des aspects inconnus et nouveaux. De même pour la mer, je l'ai observée sous toutes les latitudes, par tous les vents, en toutes saisons, à toutes les heures du jour et de la nuit, et je ne l'ai pas trouvée deux fois semblable à elle-même, je ne l'ai pas vue deux fois avec les mêmes effets, les mêmes allures, les mêmes couleurs... 

Je l'étudie sans cesse et je prends toujours plaisir à l'étudier, car cette étude-là, j'imagine, vaut bien celle que les savants des villes font dans leurs livres et leurs écritures.


— Avec de pareils goûts et de pareils sentiments, monsieur, demanda Léonie, vous devez être très religieux !


— Si vous voulez dire par là, mademoiselle, que je me crois sans cesse en présence de Dieu et qu'il se manifeste constamment à moi, vous avez bien raison. Dans les maisons et même dans les églises on pourrait douter de lui, mais quand on voit chaque jour ce que je vois, l'incrédulité devient impossible.


Elie Berthet, Le douanier de mer